GENIUS LOCI WEIMAR 2014
The Anna Amalia Library is a place of memory. The first thing supporting this memory is the shelving that organizes the books. This organizational framework serves as something visible and long-lasting. Without it, we would be lost in a multitude of books, ourselves becoming lost and forgotten. The other support for this memory is obviously the books themselves with their multitude of stories, images, places and lives – of signs. We wanted to show this plurality of places of time and space, in the manner of Iannis Xenakis’ “polytopes”. There is a grid superimposed over the existing façade, a matrix supporting its own deconstruction. Like anamorphoses, volume appears and outlines a new surface – a wall of landscape. Our perception is blurred: gravity, orientation and scale are manipulated. The wall becomes carved out, dilated and deformed. The suggested worlds and landscapes pile up one on top of the other. Different realities stack up in this new three-dimensional space-time. The façade is a transition space from one ephemeral world to another. It is transfigured by the projected light, like the parietal painting in the Chauvet Cave that Werner Herzog shows us in 3D. The wall is kinetic, disappearing to let new images appear: images from Georges Méliès’ Faust. The projection lasts a moment, like a journey. The book closes again. Ubiquity ends on a moment that is once again the present. The Anna Amalia Library finds its façade once again. The algorithmic worlds have remained in the entropic machine.
La bibliothèque Anna Amalia est un lieu de mémoire. Le premier support de cette mémoire sont les rayonnages qui permettent le classement des livres. Cette trame organisationnelle a une fonction de visibilité et de pérennité. Sans elle, nous nous perdrions dans la multitude des livres et donc dans la perte et l’oubli. L’autre support de cette mémoire est évidemment le livre lui-même — support à une multitude d’histoires, d’images, de lieux et de vies — de signes. C’est cette pluralité de lieux de temps et d’espace que nous avons voulu montrer, à la manière des « polytopes » de Iannis Xénakis. Ainsi, une grille vient se superposer à la façade existante, support matriciel à sa décomposition. Telle des anamorphoses des volumes apparaissent et dessinent un nouveau relief – un mur paysage. Notre perception est troublée : gravité, orientation, échelles sont manipulées. Le mur se creuse, se dilate et se déforme. Les mondes et paysages évoqués s’imbriquent les uns dans les autres. Différentes réalités s’emboîtent dans ce nouvel Espace-Temps tridimensionnel. La façade est un lieu de passage d’un monde éphémère à un autre. Elle est transfigurée par cette lumière projetée, telle cette peinture pariétale dans la grotte de Chauvet que nous montre en 3D Werner Herzog. La paroi est cinétique, et disparait pour laisser apparaître quelques images : celles du Faust de Georges Méliès. La projection dure un temps, le voyage aussi. Le livre se referme. Une ubiquité se termine sur un temps redevenu présent. La bibliothèque Anna Amalia retrouve sa façade. Les mondes algorithmiques sont restés dans la machine entropique.
BLOK 39
Novi Beograd est la « Nouvelle Belgrade ». Le plan se divise en bloks ; des routes surdimensionnées quadrillent la rive marécageuse de la Save : un Plan Voisin (1) sans qu’il fût nécessaire ici de raser des quartiers entiers pour ériger « la Modernité ». La ville historique est en face.
L’autoroute européenne E75 traverse ce paysage post-urbain composé d’immeubles aux silhouettes monumentales : forteresses de béton aux cimes crénelées, tours et barres aux dizaines de niveaux, gratte-ciel brutaliste, palais administratifs, complexes sportifs, produits d’un urbanisme mégalomaniaque radical — la première strate d’un décor à la Blade Runner (2) qu’il suffirait de remplir du capharnaüm d’écrans géants, de spinners et de cheminées d’usines pétrochimiques pour atteindre l’accumulation anxiogène d’une ville préapocalyptique.
Mais Novi Beograd n’est pas parvenue à ce degré de saturation. Les images des immeubles de logements perdus sur leurs gigantesques parcelles font plutôt penser à des monades urbaines (3) auxquelles on aurait oublié d’octroyer tous les services d’une vie sociale, obligeant les habitants à sortir de leurs cités dortoirs pour échapper au vide.
Les constructions récentes n’ont fait qu’ajouter des objets isolés sur cette carte distendue : centres mégacommerciaux, hôtels décomplexés, maisonnettes fast-foods, concessionnaires en tout genre, églises orthodoxes — une revanche sur un passé communiste pour finalement créer ce qui semble être devenu le lot commun de toute suburbanisation contemporaine.
Le Blok 39 de trois cent cinquante mètres de côté est bordé par l’E75, les courbes bétonnées de ses échangeurs et trois avenues automobiles de soixante mètres de large. Sur cette île aux frontières de bitume, une structure prend forme. Le terrain est découpé, subdivisé : une matrice invisible sur laquelle s’installe un pliage tridimensionnel comme si un énorme arachnide tissait sa toile pour protéger ses organes techniques
de toute retombée aérienne.
Sous ce ciel artificiel, les nouvelles fonctions du Centre de promotion des sciences se concentrent telles des pièces mécaniques reliées par un réseau d’alimentation commun. L’ajout ou la suppression d’éléments se fait sans perturber le système en place comme toute mise à jour d’une machine modulable. Les boîtes d’expositions ou le globe écorché du planétarium ne sont que les organes temporaires d’un corps permutant inachevé.
Tout se glisse sous les tentures au maillage variable. Cet accident visuel entaille le panorama monolithique des bloks — brisé en éclats. L’errance en dehors des chemins balisés redevient possible, échappatoire aux flux quadrillés de la ville nouvelle.
Le regard est capturé dans cet étrange paysage. La vue aérienne de cette installation arachnéenne fixe l’attention telle l’hypnose suscitée par un objet fractal. Novi Beograd est dans l’attente. Le togavirus implanté ici pourrait se propager, déborder des limites établies et recouvrir la cité tout entière.
(1) Le Plan Voisin est un projet dessiné par Le Corbusier pour le centre de Paris présenté au Musée des arts Décoratifs en 1925.
(2) Blade runner, film de science-fiction réalisé par Ridley Scott ,1982.
(3) Les monades urbaines, roman de science-fiction écrit par Robert Silverberg en 1971.
Avec N. Ryan
D-RIVE
Competition for the Realisation of Mobile Floating Architecture
Un paysage post-industriel qui se compose de lacs aux eaux acides. Un territoire laissé à l’abandon que les autorités allemandes veulent réhabiliter en « espaces de loisirs ».
Il s’agit ici de repeupler les lacs stériles de maisons flottantes et récréatives qui doivent pouvoir dériver de manière autonome pendant quelques semaines, voir quelques mois.
DO ANDROIDS DREAM OF ELECTRIC GARDEN ?
Amélioration de l’auto-suffisance connectée de nos villes
D-503 avec N. Ryan
Ville et attraction : auto-suffisance collective
Depuis 5.500 ans que la ville existe et pour la première fois de l’humanité, 2007 est le moment qui voit 50 % de la population mondiale vivre dans les villes. La ville attire toujours plus l’humanité vers elle. Pourquoi cette attraction ? Est-ce cette auto-suffisance connectée qui pousse les humains au mouvement, à la migration vers les villes ?
La ville est une entité humaine et urbanisée autonome, elle se suffit à elle-même dans bien des domaines ; elle est un centre administratif, politique, religieux, intellectuel, commercial, industriel, etc. Habiter la ville, c’est avoir l’assurance de trouver une réponse à ses besoins, à ses désirs, à ses espérances. Pourtant la ville c’est aussi les bidonvilles, la précarité, le chômage et l’insécurité. Tout n’y est pas qu’attraction. Mais vu le nombre croissant de citadins, il faut croire que la ville a plus d’attraits que d’aspects négatifs. C’est peut-être dans cette poly-qualitativité de la ville, dans cette liberté de pouvoir idéalement se la représenter et de pouvoir faire des choix que l’attraction opère. La ville donne du possible ; elle nous donne à croire au changement, à une évolution permanente — à notre chance.
Rien n’est figé dans la ville ; le mouvement donne forme à son existence. La ville est mouvement. Elle est l’incarnation de la vie tumultueuse des hommes. Elle est le lieu où tout s’opère, tout s’échange et où tout se transforme. Elle est une entité de vie. Elle est Échange — elle est Connectivité par nature. Elle possède en elle de manière symbolique tout ce qui doit assurer son autonomie, sa subsistance et sa survie. Elle est ce liant qui doit satisfaire aux besoins fondamentaux de tous — mais c’est aussi au-delà de ce besoin premier, le lieu où explosent les désirs et les fantasmes de l’imagination collective.
Ville et contraction : auto-suffisance spatiale et énergétique
Paris 2057. Les ressources en énergie fossiles de la planète se sont considérablement réduites. Le pétrole est devenu une denrée rare et donc très chère. S’impose alors la nécessité d’une économie drastique des dépenses énergétiques.
La voiture permettait autrefois des déplacements qui n’optimisaient pas les distances entre les différents besoins de la vie humaine. Des déplacements consommateurs de distance et donc d’énergie entre son chez soi, son travail, son ravitaillement et ses loisirs, etc. ne sont plus possibles.
En 2057, Paris optimise ses distances. La ville se contracte par nécessité entropique – elle se re-localise. Elle ne peut plus grandir et se propager sur le territoire de manière désordonnée et energivore.
Paris se redonne des limites à son expansion. Elle doit se suffir d’un espace qu’elle s’impose à ne pas dépasser. Une limite vitale qui protège la ville d’elle-même afin d’en assurer un fonctionnement interne optimal. Une enceinte virtuelle qui s’imperméabilise pour mieux contrôler les échanges entre son intérieur et son extérieur. Une porosité maîtrisée qui redéfinit ses points d’entrée et de sortie (input & outpout). (suite…)