« Seulement, le mécanisme n’a pas d’imagination. Avez-vous jamais vu un sourire rêveur recouvrir le cylindre d’une pompe pendant son travail ? Avez-vous jamais entendu les grues soupirer et se plaindre pendant les heures destinées au repos ? » Non ! […] mais ce n’est pas de votre faute : vous êtes malades. Votre maladie, c’est l’imagination. C’est un ver qui creuse des rides noires sur vos fronts. C’est une fièvre qui vous oblige à courir plus loin, bien que ce « plus loin » commence où finit le bonheur. C’est la dernière barricade sur le chemin du bonheur. »
Nous autres, Evgueni Zamiatine

Bienvenue dans le XXIe siècle, un monde à 70 % urbanisé et globalement connecté, des villes sous surveillance généralisée dans lesquelles circulent des voitures vides et sans volant ; où les architectures scintillent de mille invisibilités et se laissent traverser par la simple volonté prédictive du cyborg. Sur une terre terraformée par les meilleures intelligences cybernétiques, la blackbox est devenue l’alien retro-fécondé d’un univers à conquérir.
D-503 dessine, photographie, filme et écrit. De, par et à travers la machine, il cherche des visibilités, des résonnances vivantes qui doivent lui permettre de garder la raison. C’est un décodage halluciné des sédimentations machiniques — puis un re-codage expérimental par cut et pick-up. C’est un nomadisme prismatique à l’intérieur même de la camera obscura qui finit par se briser en d’infinis éclats de lumières. Des éclats proches ou lointains qui sont modélisés, simulés et mis en ordre dans un montage narratif à la Vertov. Des blocs d’images-textes qui définissent alors la fiction opératoire d’un possible à raconter.
Ce sont des fictions par échappement et déplacement — à travers des mondes baroques ouverts sur nos intériorités les plus profondes faites de rêves et de promenades mentales virtualisées — c’est un saut paranoïaque hors de la machine à enfermement — un retournement panoptique qui offre à la conscience une vision exploreuse sur des exo-architectures proliférantes et dévoreuses de songes sous contrôle.
Ne pas devenir fou comme nous le rappelle J.G. Ballard et chercher les espaces qui permettent encore de les parcourir librement. D-503 est nomade et multiple, il est l’Intégrale qui se dirige vers des horizons toujours lointains, un voyage fait de rencontres et d’émerveillements.

Welcome to the 21st century, a world that is 70% urbanized and globally connected, cities under full-blown surveillance in which empty cars travel without a steering wheel; where architectures sparkle with a thousand invisibility and lets itself be penetrated by the simple predictive will of the cyborg. On an Earth terraformed by the best cybernetic intelligence, the black box has become the retro-fecundated alien of a universe to conquer.
D-503 draws, photographs, films, and writes. With and through the machine, he looks for visibility, living resonances that must allow him to hold onto reason. It is a hallucinatory decoding of mechanic sedimentation—then an experimental recoding by cut and pick-up. It is a prismatic nomadism inside the camera obscura that is ended by breaking into infinite bursts of light; bursts that are near or far, modeled, simulated, and arranged in a Vertov-style narrative montage, blocks of images and text that then define operative fiction of what is possible to tell.
These are fictions by escapement and displacement—through baroque worlds open on our interiority made of virtualized mental walks. It’s a paranoid leap out of the enclosing-machine—a panoptic reversal that offers the conscience an exploratory vision of proliferative and devouring exo-architectures of dreams under control.
As J.G. Ballard reminds us, don’t go crazy. Looking for the spaces that are still allowed us to roam through freely. D-503 is nomadic and multiple; it is the Integral that is headed toward the forever-distant horizons, a voyage of encounters and wonderment.