STHENO ISLAND

LA+ IMAGINATION – Mention honorable – Publication printemps 2018 dans LA+ Journal

 

Quand les machines proliféreront, mus par un instinct de reproduction à l’échelle cosmique — les planètes de notre système solaire auront toutes été visitées, et certaines même colonisées pour permettre leur expansion logique. Une poussée machinique fulgurante et sans limites sur les courbes quantiques du temps et de l’espace — au-delà de toutes fins humaines, animales et végétales.

Titan, lune de Saturne. Les dernières images satellite firent apparaître un point brillant d’origine exogène sur la noire étendue liquide de la Kraken Mare.

Des plaques étaient enchevêtrées, telles les carcasses enchâssées d’un gigantesque accident automobile. Elles semblaient, au contact de l’air titanesque, commencer à s’oxyder, se fossiliser et ainsi constituer de futures couches sédimentaires.

Aucun élément ne correspondait aux échantillons géologiques prélevés et connus de cette lune.

Le silence contrastait avec l’image du choc de l’impact qui avait formé ce paysage synthétique. Quelque chose avait chuté. Dans l’étendue noire et visqueuse, une silhouette disloquée émergea et sembla faire mouvement pour se constituer et faire forme. Une puissante force ondulatoire de survie actionnait une tectonique des plaques à l’agonie — une énergie du recommencement qui s’accrochait à un corps-chrysalide éclaté mais encore intact dans sa volonté auto-désirante.

L’agrégation compacte des débris formait une île, étrangère aux archipels de la Kraken Mare. La pétrification qu’elle suscita lui donna son nom de Gorgone : Stheno.

La matrice machinique échouée se restructurait afin d’être, à nouveau, auto-fécondée : une survie programmée pour elle-même et par elle-même.

C’était une entropie à la dérive sur une mer de pétrole. Des exo-déchets avaient trouvé là un milieu propice à leur prolifération : une source d’énergie endémique sans limites, favorable à un parasitage vorace et efficace.

 

 

When machines proliferate, driven by an instinct for reproduction on a cosmic scale—every planet in our solar system will already have been visited, and some even colonized to enable their logical expansion. A dazzling, boundless machinic surge along the quantum curves of time and space—beyond all human, animal, and vegetal ends.

Titan, moon of Saturn. The latest satellite images revealed a bright point of exogenous origin on the dark liquid expanse of Kraken Mare.

Plates lay tangled together like the interlocked wreckage of a colossal car crash. On contact with Titan’s atmosphere they seemed to begin oxidizing, fossilizing, and thus to build future sedimentary layers.

No element matched any of the geological samples previously taken from this moon.

Silence clashed with the imagined thunder of the impact that had shaped this synthetic landscape. Something had fallen. In the black, viscous plain a disjointed silhouette emerged and appeared to move, striving to assemble itself, to take shape. A powerful wave-like survival force was driving a dying tectonic convulsion—an energy of renewal clinging to a chrysalis-body, shattered yet still intact in its self-desiring will.

The compact aggregation of debris formed an island, alien to Kraken Mare’s archipelagos. The petrification it provoked won it the Gorgon’s name: Stheno.

The stranded machinic matrix was reorganizing so that it might again become self-fertile: survival programmed for itself and by itself.

It was entropy adrift on a sea of oil. Exo-waste had found here a milieu ripe for proliferation: an endemic, limitless energy source, perfect for voracious, efficient parasitism.