Bunker & Blockhaus
BNKR SLIDES
3D reconstituée par photogrammétrie à partir de photos prises d’un bunker sur la plage d’Omaha Beach.
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3D reconstituée par photogrammétrie à partir de photos prises d’un bunker sur la plage d’Omaha Beach.
Unité : 8ème et 9ème bataillons du 1716ème régiment d’artillerie. Nom de code : Stp 83 /Stp 84 — H.K.B. Maisy. Pièces d’artillerie : 4x 100 mm FH 14/19 (t), 6x 155 mm F414 (f). Issue : sous contrôle américain le 9 juin 1944.(1)
À quelques kilomètres des plages du débarquement de Normandie et de la Pointe du Hoc, une batterie de l’occupant allemand enfouie pendant plus de cinquante années a été déterrée : la batterie de Maisy. Oubliée, elle réapparait soudainement en 2006 — les bunkers refoulés sont presque intacts, la terre les a préservés.
Les traces de l’effacement de ce complexe militaire sont visibles rétrospectivement par la superposition chronologique des photos aériennes. L’accumulation des prises de vues archivées témoigne de l’histoire de ce morceau presque anodin de territoire. Les parcelles se redessinent durant les décennies qui suivent la guerre. Les arbres qui les bordent, formant des bosquets arrondis, laissent deviner pour l’observateur averti, cette présence devenue souterraine. Après coup, la photo tient lieu de preuve, concordant avec l’analyse de Walter Benjamin : « La photographie permet pour la première fois de fixer durablement et sans aucune ambiguïté les traces d’un homme. Le roman policier naît au moment où était assurée cette conquête, la plus décisive de toutes, sur l’incognito de l’homme. Il n’est pas possible depuis lors d’envisager quelque fin à ses efforts pour s’emparer de celui-ci et le figer dans ses paroles et ses actes.(2) » L’amnésie n’est plus possible. L’auteur de cette découverte est un Britannique. Gary Sterne (3), archéologue-enquêteur, achète une à une chaque parcelle, reconstituant ainsi le « lieu du crime ». Victime d’une coupure spatio-temporelle, ce site temporairement militaire fut rapidement rendu après la guerre à coup de pelleteuses américaines aux propriétaires initiaux. La disparition de ce point d’appui est presque aussi hâtive que sa construction.
Dorénavant, les casemates sont mises au jour ; vestiges épars dans le réseau labyrinthique des tranchées recreusées. Le territoire est de nouveau occupé par ces monolithes noirs. Comme dans la Guerre des Mondes (4), la réapparition presque intacte de la batterie enterrée, renforce l’ubiquité du bunker du Mur de l’Atlantique et la paranoïa d’un ennemi omniscient, invisible, mais toujours présent.
« Ralenti dans son activité physique, mais attentif, anxieux des probabilités catastrophiques de son environnement, l’habitant de ces lieux du péril est oppressé par une singulière pesanteur ; en fait, il possède déjà cette rigidité cadavérique que la protection de l’abri était censée lui éviter.(5) » Paul Virilio
Les exuvies déblayées, leur type est pour l’œil éclairé rapidement identifiable. Les casemates de la batterie sont des R622. Le design étrange de ces abris pourrait laisser un temps croire à l’habitat d’autres hommes, à l’image des spectres anthropomorphes découverts dans les mystérieuses galeries d’un vaisseau extraterrestre par les archéologues de Prometheus (6). Mais l’identification des différents éléments construits (les emplacements pour canons, les abris, l’hôpital) permet de reconstituer ce point d’appui militaire conçu sur catalogue (7).
Le temps de la Seconde Guerre mondiale est celui non seulement de l’application massive de standards, mais aussi et surtout, celui de la création de la norme systématique et « totale ». Ernst Neufert dessine les « besoins en espace de l’être humain » dans son Bauordnungslehre (cours sur l’ordre architectural) ou imagine une machine à construire les maisons Hausbaumaschine (8). Les mouvements du corps sont disséqués, réduits à leur minimum : l’effroyable Existenzminimum. Les planches de dessins « d’êtres humains » dans des positions courantes et diverses illustrent d’une certaine manière les corps dociles de Foucault : « Le corps humain entre dans une machinerie de pouvoir qui le fouille, le désarticule et le recompose. Une “anatomie politique”, qui est aussi bien une “mécanique du pouvoir”, est en train de naître ; elle définit comment on peut avoir prise sur le corps des autres, non pas simplement pour qu’ils fassent ce qu’on désire, mais pour qu’ils opèrent comme on veut, avec les techniques, selon la rapidité et l’efficacité qu’on détermine. La discipline fabrique ainsi des corps soumis et exercés, des corps “dociles”.(9) »
La casemate est un habitat militaire, l’espace est minimal. Tel un vaisseau enterré, telle une armure immobile, le R622 est surmonté d’un Tobrouk — le Ringstand : cockpit et exosquelette d’un corps réduit aux seuls mouvements fonctionnels et à un champ de vision orienté, celui de la mitrailleuse. Chaque type de bunker fait partie d’une série ; son moule est prédéfini. Les ferraillages de l’armature du béton constituent son squelette. La dalle inférieure est coulée en premier, les murs et le toit simultanément. C’est une coque protectrice incluant toute la technique nécessaire : tuyauterie de la ventilation et du poêle. Les entrées des R622 de Maisy ont une particularité : elles sont agrémentées d’un auvent — coquetterie de cet habitat précaire et uniforme qui amplifie, arrivé au seuil, le sentiment « d’inquiétante étrangeté (10) ». L’abri laissant peu de place aux mouvements, le mobilier du bunker est également optimisé : couchettes rabattables (types 922S4 & 923S4), tables et tabourets pliants. Les poêles (type Wt 80 pour les R622) et les portes blindées sont répertoriés sur des planches de dessins techniques. Contre une menace diffuse et continue, l’Organisation Todt essaime ses points d’appui normés qui abritent des corps militaires uniformément comprimés.
« Contempler la masse à demi enterrée d’un bunker, avec ses aérateurs bouchés, la fente étroite du guetteur, c’est contempler un miroir, le reflet de notre propre puissance de mort, celui de notre mode de destruction, de l’industrie de la guerre. La fonction de cet édifice si particulier, c’est d’assurer la survie, d’être un abri pour l’homme dans une période critique, le lieu où il s’enfouit pour subsister. S’il s’apparente à la crypte qui préfigure la résurrection, le bunker s’apparente également à l’arche qui sauve, au véhicule qui porte au-delà du danger, par la traversée des risques mortels.(11) » Paul Virilio
Le seuil de l’abri franchi, un mur nous fait face. L’entrée de la chambre est en chicane, protégée par un œil mécanique. La seconde porte dépassée, le noir et le silence désorientent ; seuls le ruissellement de l’eau infiltrée et le bruit des oiseaux s’aventurant dans ces pièces sombres relient le visiteur à l’extérieur. La désaffectation des bunkers accentue le sentiment terrifiant d’être coupé du monde. Ce lieu de vie enterré, terrier de temps apocalyptiques, était aussi conçu pour être techniquement hermétique aux gaz en cas d’attaque (12).
Ce huis clos sous pression, laisse rétro-présager un monde post-nucléaire comme celui décrit dans La Jetée (13) de Chris Marker : « La surface de Paris, et sans doute de la plus grande partie du monde, était inhabitable, pourrie par la radioactivité. Les vainqueurs montaient la garde sur un empire de rats. » — où, la seule issue possible est de « projeter dans le Temps des émissaires, appeler le passé et l’avenir au secours du présent ».
L’épaisseur protectrice du béton induit rétro-activement la violence de l’impact ; cette « camisole architecturale (14) » emmure les soldats qu’elle protège. La claustrophobie fait place, à l’extérieur de l’abri, à l’égarement : le réseau de tranchées de Maisy, fondu dans la végétation, est labyrinthique, ponctué de bunkers enduits de noir goudronneux et d’abris à munitions qui se répètent ; le circuit est fermé, prédisposé aux tirs fratricides (15). Cette batterie en retrait des côtes est un point d’appui sans horizon du Mur sur la mer, dépourvu de repères visuels. Immobile, paradoxalement la batterie n’a pas besoin de voir pour savoir, reliée par télécommunications à poste de commandement ; le territoire qu’elle couvre est techniquement plus visible que son propre réseau de bunkers ; les couches temporelles se superposent.
« La série d’essais nucléaires avait fondu le sable en plusieurs couches ; les strates pseudo-géologiques condensaient d’infimes périodes de temps thermonucléaire, de l’ordre de la microseconde. L’île inversait la maxime du géologue : “le présent renferme la clé du passé”. Ici c’était le futur qui renfermait la clé du présent. L’île était un fossile des temps à venir ; bunkers et blockhaus illustraient le principe voulant que le témoin fossile de la vie soit une cuirasse, un exosquelette.(16) » J.G. Ballard
Enfouie, la batterie de Maisy décompose le sol qu’elle occupe. Invisibles, passés sous silence, les bunkers n’ont pourtant pas disparu, la terre les a contenus. La visibilité retrouvée permet leur dissection.
L’occupation archaïque du territoire du Mur, la mise en forme surdimensionnée des abris par leur excès de matière ont ralenti leur disparition. Le travail archéologique de Paul Virilio se poursuit. Le bunker reste accessible, laissé à la disposition de l’arpenteur. La mise en abîme de sa décomposition continue cette archéologie des temps futurs. Ces dispositifs techniques essaimés d’un pré-temps, alimentent les scénarios de prequel comme Prometheus (17) pour Alien (18). Les casemates restent facilement identifiables devenant ainsi des repères ou des cibles. Leur forme et leur masse synthétisent les peurs, mais aussi une accumulation de techniques plus ou moins obsolètes : l’hermétisme protecteur et l’enfermement claustrophobique. La batterie de Maisy par son histoire anecdotique : son enfouissement, devient à la fois strate géologique et historique (19). Les bunkers enterrés puis déterrés ont été ainsi fossilisés. Leur disparition n’est pas due à des phénomènes climatiques, mais à leur dissimulation, attisant l’intérêt de l’enquête. Les couches archéotechniques s’imbriquent — points de départ des investigations.
Notes :
1. DDay-Overlord.com, Encyclopédie du débarquement et de la bataille de Normandie.
2. Walter Benjamin, « l’intérieur, la trace », Paris, capitale du XIXème siècle, Le livre des Passages, Jean Lacoste (trad.), Paris, Éditions du Cerf, 1989, p. 75.
3. Gary Sterne a découvert l’existence de la Batterie de Maisy après avoir acheté une carte à une foire d’articles militaires. Le site est ouvert aux visiteurs depuis 2007. http://www.maisybattery.com
4. La Guerre des mondes (War of the Worlds), film de science-fiction américain de Steven Spielberg, 2005. Adaptation du roman éponyme de H.G. Wells
5. Paul Virilio, Bunker Archéologie, réédition Les Editions du Demi-Cercle, Paris, Avril 1994, p.16.
6. Prometheus, film de science-fiction américain produit et réalisé par Ridley Scott, 2012.
7. « Pour construire un vaste système de défense, il est préférable d’en définir les principaux éléments. C’est pour cette raison que les Allemands ont développé plusieurs programmes de construction (typologie). On y trouve principalement le programme de fortification semi-permanente de campagne (Verstärkt Feldmässiger) et le programme de construction définitif (Regelbauten). Et c’est dans ce catalogue que l’Organisation Todt va puiser les différents modèles de bunkers pour réaliser le mur de l’Atlantique ». Alain Chazette, Alain Destouches, Jacques Tomine, Bernard Paich, Jacky Laurent, Atlantikwall Mythe ou Réalité, Ed. Histoire et Fortifications, 2008, p.16.
8. « projet hybride, dans lequel les techniques du mur de l’Atlantique sont mises au service de la construction d’immeubles de logements collectifs. Circulant sur des rails, dans une direction mystérieuse – vers l’est ? -, la GuBhaus (abri pour le coulage du béton) est comparable à un grand abri sur roues. Du côté de l’avant, des camions apportent du béton, qui est coulé à l’intérieur de l’abri, et la machine avance, laissant derrière elle, tel un escargot, sa traînée de bave, un bâtiment à l’extension linéaire infinie : « Dans son manteau d’hiver, la coquille à construire (Bauschale) produit semaine après semaine, sans se soucier de la neige ou de la glace, du jour ou de la nuit, maison après maison ». Jean-Louis Cohen, Architecture en uniforme, Projeter et construire pour la Seconde Guerre mondiale, CCA Centre Canadien d’Architecture, Hazan, 2011, p276. ( citation de Ernst Neufert estraite du Bauordnungslehre, Berlin, Volk Reich Verlag, 1943, P.471. ) Référence, peut être de la « Ville – ruban à production continue » de Superstudio.
9. Michel Foucault, Surveiller et punir, Ed. Gallimard, 1975, p.162.
10. Unheimlich. Sigmund Freud, L’inquiétante étrangeté et autres essais, Paris, Folio essais, 1985.
11. Paul Virilio, Bunker Archéologie, p.46, réédition Les Editions du Demi-Cercle, Paris, Avril 1994
12. « Du côté de la ventilation et de la protection des locaux contre les gaz, l’occupant installe des ventilateurs dans les abris. Les ventilateurs aspirent l’air extérieur à travers des filtres et le refoulent ensuite dans les divers locaux.(…)Le matériel le plus courant dans les abris allemands du Mur de l’Atlantique est sans nul doute le modèle 1ML4 HES 1,2 m3. Il est constitué de haut en bas : – d’un filtre dépoussiérant formé de deux pièces, le boîtier filtre par lui-même raccordé à la tuyauterie et le couvre-filtre s’encastrant dans le boîtier par deux vis papillons, – d’un By-Pass(gaine) raccordant le filtre dépoussiéreur au filtre contre arsines, -d’un filtre anti-gaz contre arsines (corps dérivé de l’hydrogène), – d’un filtre à charbon et d’une platine avec à proprement parlé le ventilateur à ailettes lui-même équipé d’une manivelle, d’un niveau de pression à bulle et d’une manchette de sécurité de mise en marche des ailettes. Enfin en dessous de chaque appareil, on trouve un support pour les filtres (dans le cas d’une utilisation en système non gazé). » Alain Chazette, Alain Destouches, Jacques Tomine, Bernard Paich, Jacky Laurent, Atlantikwall Mythe ou Réalité, Ed. Histoire et Fortifications, 2008, p. 25.
13. La Jetée, film français de science-fiction réalisé par Chris Marker, 1962.
14. « Shimon Naveh s’est référé également aux travaux de Georges Bataille, animé lui aussi du désir d’attaquer l’architecture : son appel aux armes visait à mettre en pièces le rationalisme rigide qui prédominait après-guerre, à échapper à la « camisole architecturale » et à libérer les désirs opprimés. » Extrait d’un article d’Eyal Weizman, architecte israélien. Boiteaoutils – Complément à l’article « Passe muraille » d’Archiact.
15. D’après les témoignages de vétérans, les combats ont occasionné à Maisy plusieurs tirs fratricides. DDay-Overlord.com, Encyclopédie du débarquement et de la bataille de Normandie.
16. J.G. Ballard, L’ultime plage, 1964, Nouvelles complètes, volume 2 (1963/1970), Tristram, 2009, p.311.
17. Prometheus, film de science-fiction américain produit et réalisé par Ridley Scott, 2012.
18. Alien, le huitième passager, film d’horreur américano-britannique réalisé par Ridley Scott, 1979.
19. Deleuze dans un cours sur Foucault explique :« Une strate est précisément un composé de visible et d’énonçable, un entrecroisement de visibilité et d’énoncé. Si bien que les formations historiques sont des strates, sont des stratifications. Et c’est tout un axe, comme un premier axe, de l’oeuvre de Foucault : cette étude archéologique des stratifications, c’est-à-dire des formations historiques définies par les visibilités qu’elles déploient, les énonçabilités qu’elles profèrent ». La voix de Gilles Deleuze en ligne – Cours 2- 29/10/1985 – 2.
« Mais nous ne pouvons ici-bas espérer de rien parachever, et bienheureux l’homme chez qui la volonté ne passe point tout entière dans le douloureux effort. Nulle maison n’est bâtie, nul plan n’est tracé, où la perte future ne soit la pierre de base, et ce n’est point dans nos œuvres que vit la part impérissable de nous-mêmes. » Sur Les Falaises de Marbre, Ernst Jünger.
Tout commence par la description d’un paysage. Il fait un temps de printemps et la lumière change continuellement. L’espace se dilate puis se contracte l’instant d’après. Et puis ça recommence. Une profondeur apparait, les distances nous narguent — il faut attendre que le nuage passe. Calmement, les essuie-glaces de la Mercedes continuent leurs balayages.
Nous voilà arrivés à Arromanches en Normandie. Pas encore une ville — mais un parking qui nous invite à nous garer contre quelques euros. Des bosses herbeuses éparses — et des artefacts de béton dépassent ici ou là. Nous sommes sur le haut d’une falaise — un site stratégique de la seconde guerre mondiale pour la Wehrmarcht. C’est un promontoire amélioré grâce au béton et à l’acier : un panoptique inversé — une prothèse armée dans un paysage autrefois devenu territoire paranoïaque. La meute avec ses ferraillages à nu est aujourd’hui bien inoffensive. La promenade familiale promet d’être captivante sur ce chemin balisé parmi les herbes folles qui rappellent ces Parcs-jardins à la mode dans nos villes occidentales : un Tiers-paysage des meilleurs dimanches qui pourrait être le panoptique angoissé du bonheur stéréotypé et alter-paradigmé de nos familles guettoisées.
L’océan, la plage sont en contre-bas. Le mur de l’Atlantique est sous nos pieds. L’horizon est au loin. Mais quelque chose d’inattendu se montre à voir : une multitude de gisants chtoniques est vautrée dans la masse aqueuse et semble encore flotter entre deux eaux. Nous nous rapprochons et descendons l’escarpe. La mer se fait basse et laisse découvrir deux formes grises — autour d’elles et encore submergée, formant un arc de cercle cyclopéen, c’est une armada prométhéenne sombre et massive qui semble à l’échouage. Des silhouettes humaines minuscules sont à l’ouvrage comme autour de deux morceaux de sucre géants qu’il faudrait sauver de la montée lente, mais inexorable des eaux.