« Je suis convaincu que le futur s’est perdu, quelque part dans la décharge d’un passé historique ». Robert Smithson
BIVILLE SANDS (Suite)
Proposition pour la biennale de L’Image Tangible 2018
Dès notre arrivée sur ce territoire aux roches métamorphiques, nos regards se portèrent sur les blocs prismatiques qui jonchaient le sol. Leurs silhouettes magmatiques semblaient faire partie intégrante d’une atmosphère saturée d’oxyde de fer. Ces exuvies abandonnées aux mouvements du terrain ne laissaient rien transparaître de leurs usages. Seules leurs dimensions compactes supposaient qu’elles aient pu servir d’abris, de tanières à une espèce disparue. À chaque instant, nous nous apprêtions à être surpris par l’apparition de spectres anthropomorphes tentant d’échapper à leurs capsules géologiques.
C’est ainsi que le sable prenait une teinte rouge au travers du prisme d’un gamma corrosif. L’océan, sous l’effet de marées stériles et de tempêtes arides, avait laissé place à un désert jonché d’une multitude de coquillages et de débris qui scintillaient sous la pâle lumière du soleil. Un au-delà immense et calme que permettait la radioactivité d’un air irrespirable.
Ils étaient partis sur Mars, et Mars était revenu à la Terre avec ses archéologues du futur.
Face à eux s’étendait un paysage corbuséen d’éléments rouillés : artefacts roulants, volants et flottants — qui constituaient le champ de fouille sédimentaire et inter-planétaire d’une anthropogenèse machinique.
L’ère géologique de la poubelle nourrissait une vie mutante quelque part entre le végétal et le minéral.
Ici, le futur était enfoui sous une épaisse couche de poussière rouge.
Le futur est rouge comme une planète de déchets.
–
As soon as we arrived on this territory with metamorphic rocks, we looked at the prismatic blocks that littered the ground. Their magmatic silhouettes seemed to be an integral part of an atmosphere saturated with iron oxide. These exuviates abandoned to the movements of the ground did not show anything of their uses. Only their compact dimensions assumed that they could have been used as shelters, dens for an extinct species. At every moment, we were about to be surprised by the appearance of anthropomorphic spectra trying to escape their geological capsules.
Thus the sand took a red tint through the prism of a corrosive gamma. The ocean, under the effect of barren tides and arid storms, had given way to a desert strewn with a multitude of shells and debris that glittered under the pale light of the sun. An immense and calm beyond that allowed the radioactivity of an irrespirable air.
They had gone to Mars, and Mars had returned to Earth with its future archaeologists.
Facing them lay a corbusian landscape of rusty elements: rolling, flying and floating artifacts – which constituted the sedimentary and interplanetary excavation field of a machinic anthropogenesis.
The geological era of the dustbin nourished a mutant life somewhere between the vegetable and the mineral.
Here, the future was buried under a thick layer of red dust.
The future is red as a planet of waste.